24 janvier 2023

Nouveau podcast MécaSphère : François Liotard, Lisi Automotive

L’épisode 10 de « MécaSphère, le podcast de la communauté industrielle » donne la parole à François Liotard, DG de Lisi Automotive (adhérent Artema). Il explique quels ont les trois déclics qui l’ont amené à devenir dirigeant industriel dans le secteur automobile. Comment ses expériences passées lui ont permis de surmonter les problématiques liées au Covid et à la guerre en Ukraine : « avec les crises qui se succèdent, il faut faire preuve d'agilité ». Dans son témoignage, il confie aussi ce qui le fascine dans le rapprochement de l’art et de l’industrie.

C’est à découvrir et à partager ici!

Retranscription du podcast :

Je m'appelle François Liotard, j'ai 55 ans. Je suis ingénieur de formation des Arts et métiers. Je suis marié, je suis père de famille, j'ai trois enfants. Je suis directeur général de Lisi Automotive. Lisi Automotive, c'est la filiale du groupe Lisi, qui est dédiée, comme son nom l'indique, au marché automobile. Et nous sommes spécialistes des solutions de fixations métalliques ou plastiques et des composants de mécanique de sécurité, destinés aux grands équipentiers automobiles et aux constructeurs européens, américains, chinois principalement. Ça fait exactement dix ans que je suis directeur général de cette entreprise, dont j'ai pris la direction le 1ᵉʳ janvier 2013. Le siège de Lisi Automotive est en Franche Comté, à côté de Belfort, petite ville qui s'appelle Grandvillars, qui est à la frontière avec la Suisse. C'est 3 800 salariés qui sont répartis dans une vingtaine d'usines, deux tiers de nos effectifs en Europe ; à peu près 25 % en Amérique du Nord, entre les États Unis et le Mexique ; et à peu près 10 % de nos effectifs en Chine, autour de la ville de Shanghai. J'ai été approché par Lisi en 2009, au sortir de la crise des subprimes, pour prendre la direction de la stratégie et du développement industriel de cette belle entreprise française.

Il y a trois éléments qui m'ont fait rejoindre cette entreprise. D'abord, je suis passionné d'industrie automobile. Je suis dans l'industrie automobile depuis plus de 25 ans. Lisi présentait cette particularité d'être à la fois une entreprise de taille intermédiaire avec toute la structure d'un grand groupe, mais aussi une entreprise familiale avec la réactivité et l'esprit d'entreprise qui tient aux entreprises familiales. C'est ces deux caractéristiques qui m'ont attiré chez Lisi et qui font qu'au quotidien, je m'y épanouis chaque jour.

Pour en arriver là, je dirais qu’il y a eu trois événements qui sont succédés assez rapidement.

D'abord, adolescent, j'ai rencontré le directeur de la production de l'unité Seball, qui était une filiale de Péchiney Emballages où travaillait mon père à Saumur. Cet ingénieur, qui était un ingénieur arts et métiers, m'a parlé de son métier de manager de production avec énormément de passion et je me suis dit « Tiens, ça, ça m'intéresse ». J'ai donc intégré les Arts et métiers comme je l'ai indiqué.

Le deuxième déclic, c'est en dernière année, en stage de fin d'études, j'étais au sein du centre technique du décolletage, le CTDec, dans la vallée de l'Arve, pour étudier les conséquences des nouvelles méthodes du secteur de l'automobile pour le décolletage. Ce deuxième déclic m'a fait dire que l'industrie automobile et son niveau d'exigence étaient faits pour moi.

Enfin, dernier déclic, en 1991, je suis embarqué sur un bateau de la Marine nationale comme officier chef de quart. J'ai été embarqué 12 mois sur ce bateau et à l'issue de cette période, j'ai su que le commandement des hommes serait au cœur de ma carrière professionnelle. Vous avez, avec ces trois déclics, en gros, ce qui a fait ce que je suis devenu, c'est à dire un ingénieur de production pour le secteur automobile, gestionnaire d'équipe.

Parmi les quelques moments qui ont changé ma vie, la nuit du 15 février 91, quand je me suis retrouvé pour la première fois chef de quart en solo, donc à la tête du bâtiment où vous êtes en charge seul de conduire le navire. Vous avez 124 membres embarqués qui dorment sous vos pieds. C'était ma première prise de responsabilité en tant que jeune manager. Je dois reconnaître que je n'ai jamais oublié cette nuit en mer Rouge, au milieu des plateformes pétrolières, avec trois matelots à mes côtés. Première mission de commandement en solo. Alors, j'avais deux intuitions. La première, c'est qu'il fallait très vite que je me confronte à une entreprise internationale de préférence anglo saxonne. Et ensuite, je savais que le secteur automobile m'intéressait. Donc, j'ai commencé d'abord dans un grand groupe américain, la société IBM, dans sa division semi-conducteur. Sujet d'actualité. J'ai commencé ma carrière en fabricant des semi-conducteurs pour IBM. Je suis parti aux États Unis dans l'état du Vermont dans le cadre d'un échange entre l'usine de Burlington dans le Vermont et d'usine de Corbeille-Essonne au Sud de Paris. J'ai fait ça pendant trois ans avec vraiment pour ambition d'avoir un anglais professionnel.

À l'issue de cette première expérience chez IBM, j'ai basculé dans le monde de l'automobile chez Valeo pour ne jamais plus le quitter. En tant que dirigeant, sans doute que l'un des événements les plus marquants, c'est la crise des subprimes de 2008. J'étais à l'époque au sein de Wagon Automotive, membre du comité de direction et membre français de ce comité de direction. Nous avons fait partie des premières entreprises à court de liquidité, puisque notre pool bancaire, qui était mené par la Royal Bank of Scotland, a décidé de nous couper les vivres. Et donc, j'ai dû, avec deux autres directeurs français, aller déposer le bilan des filiales françaises au tribunal de commerce de Versailles, le 15 décembre 2008. Et ce jour-là, j'ai compris quelle était la différence entre trésorerie et résultat opérationnel. Et vous savez très vite que la trésorerie, dans ces périodes très difficiles, mène le monde. Et en particulier quand vous êtes le 15 décembre et que vous avez à faire le 31 décembre la paie de vos salariés et le 13ème mois, vous allez très vite comprendre ce que sont les vraies contraintes de trésorerie. Et ça, ça m'a énormément formé et permis d'avoir les réflexes dans les périodes très difficiles qu'on a traversées dans un passé récent.

Je dirais que la Marine nationale a sans doute formé le jeune homme que j'étais aux relations humaines et à l'esprit de commandement. Les six mois de redressement judiciaire m'ont appris à gérer une entreprise avec des contraintes financières fortes.

Une de mes grandes satisfactions en termes de DG de Lisi Automotive, c'est le développement qui était le nôtre en Amérique du Nord ces cinq dernières années. Ce qui est une vraie réussite qui s'est d'abord appuyée sur la création d'un site neuf à Monterrey grâce au partenariat avec une société française qui s'appelle Aveo Carbon, qui nous a mis le pied de l'étrier au Mexique et qui est devenu depuis un très beau succès. Et puis, les deux acquisitions successives, dont la très belle acquisition de l'entreprise Thermax, qui a été détenue par deux frères, les frères Smith, avec qui j'ai eu d'excellentes relations. On l’a repris en deux temps en rachetant d'abord 51 % des parts de l'entreprise. Puis, il y a deux ans, les 49 % restants. Donc, ce développement en Amérique du Nord est une vraie réussite et c'est l'un des piliers aujourd'hui de Lisi Automotive.

Sur la crise Covid, évidemment, quand vous êtes directeur général d'une entreprise que vous avez 3 800 salariés et que fin mars, on vous annonce la mise en confinement de à peu près tout le secteur automobile mondial et que vous vous retrouvez avec 80% de chiffre d'affaires en moins. C'est tout simplement vertigineux. Il a fallu faire face avec 2 préoccupations mettre en sécurité nos salariés et livrer nos clients. En particulier, livrer nos clients en Asie qui, eux, avaient redémarré leur activité.

 

Effectivement, la 2ème crise majeure, c'était la crise de la guerre en Ukraine ou évidemment le drame humain est absolument invraisemblable pour les Ukrainiens qui n'ont pas demandé cette guerre. Elle a eu des conséquences rapides aussi pour l'industrie automobile puisque le l'Ukraine est un pays qui fabrique beaucoup de composants automobiles, en particulier des faisceaux de câblage pour les constructeurs allemands.

Et donc très vite, au mois de mars, au mois d'avril, on a connu un nouveau coup de frein très important, de l'ordre de moins 30 à 35 % auquel il a fallu faire face à nouveau avec de l'agilité en mettant à nouveau en place des mesures d'activité partielle et en informant régulièrement les équipes sur les conséquences de cette guerre. Soit directement au travers du ralentissement de nos clients, mais aussi indirectement avec des difficultés d'approvisionnement qu'on a pu avoir sur quelques nuances d'acier.

Évidemment, Winston Churchill a été un un très grand dirigeant anglais, notamment dans la période des années 40, et il est marqué par 3 qualités. C'était d'abord un très grand orateur, extrêmement charismatique. C'était aussi un idéaliste et ça a été un grand diplomate, donc c'est évidemment un homme qui m'inspire. Notamment dans ces périodes très difficiles. Et c'est un homme, un modèle pour mobiliser ses équipes.

Il y a une rencontre à titre personnel qui a changé ma vie, qui m'a ouvert à l'art et à l'art moderne et qui m’a aussi permis de rencontrer mon épouse. Cette rencontre c’est Jean Lurçat, le grand rénovateur de la tapisserie française au 20ème siècle, avec son œuvre majeure qui s'appelle “Le chant du monde”, qui est exposé à Angers, à deux pas de l'école des Arts et métiers où j'étais élève ingénieur.

Les deux passions qui m'animent indépendamment de Jean Lurçat la deuxième, c'est la période de l'Art Nouveau. C'est une période assez courte qui a débutée en 1895 et qui s'est terminée en 1915 mais qui est une expérience incroyable ou des industriels se sont confrontées à l'art, se sont essayés à l'art. Vous avez de grands industriels, notamment à Nancy en Lorraine, qui ont mis leur entreprise au service de l'art du plus grand nombre. Avec Majorel qui a créé des mobiliers inspirés de la nature avec Gallé, les Frères Daum.

Et donc le lien entre l'entreprise, l'industrie et l'art est quelque chose qui me passionne et qui me fascine.

Contact

Anne GLEYZE - 01 47 17 60 29 - agleyze@fimeca.org

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